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La Bulle a des Ailes

7 février 2014

La Relieuse du Gué, Anne Delaflotte-Medhevi

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Ce livre là, c'est d'abord son titre qui m'a intrigué : « La Relieuse du Gué »... Un titre un peu vague, imprécis... Et mystérieux. Poétique. « La Relieuse du Gué »... Qui est-elle ? De quel gué nous parle t-on ?

Il y avait la couverture aussi : le portrait d'une jeune femme brune, vêtue d'une robe, plongée dans un livre. Un roman probablement.

Sa robe doit être une robe d'été... Les tons chauds de l'illustration, la lumière qui en émane semble promettre le soleil.

Enfin, il y a eut le résumé en quatrième de couverture :une histoire de livre et de mystère. D'un changement de vie aussi.

Il ne m'en fallait pas plus pour être séduite. Je l'ai ouvert, j'ai lu les premiers mots, les premières phrases avec l'espoir d'y trouver ce je-ne-sais-quoi que je recherche à chaque nouvelle lecture, ce je ne-sais-quoi qui va m’envoûter, me prendre et me jeter dans l'oubli de tout ce qui n'est pas ma lecture.

 

« Au matin, les bourrasques qui s'engouffraient dans la ruelle me réveillèrent. Toute la nuit, le vent avait soufflé à la limite de la tempête. J'ouvris les volets et me penchais par dessus le garde corps. L'air animé que je respirais m'absorba d'emblée toute entière ».

 

A partir de là, moi c'est le livre que je respirais qui m'aspira d'emblée toute entière.

 

La Relieuse du Gué, c'est l'histoire, raconté à la première personne d'une jeune femme qui a abandonné Paris, une carrière prometteuse dans la diplomatie, un riche et beau fiancé abonné à son travail plus qu'à la vie pour suivre les traces de son grand-père maternelle et ouvrir un atelier de reliure dans une petite ville du sud-ouest, une ville proche du berceau de Cyrano de Bergerac, héros favori de la narratrice qui vit avec l’œuvre de Rostand dont elle puise dans les vers lumière et forces vives.

Un jour de pluie et de vent, un jeune homme étrange, un peu farouche et d'une beauté à couper le souffle entre chez elle pour lui remettre un livre en piteux état. Entre deux suffocations et avec ce qui ressemble à un sentiment d'urgence, il le charge de la remettre en état. La jeune femme accepte intriguée et fascinée par le livre et le halo d'étrangeté qui entoure l'homme. Le lendemain matin, elle apprend la mort de ce dernier. Personne ne le recherche, personne ne vient réclamer son corps. Il ne reste de lui que le livre à relier, un livre d'aquarelles anonymes sur les pages duquel courent les arbres, la forêt et la mousse et d'où jaillissent des ruines mystérieuses. Alors la narratrice décide de le réparer, contre toute raison, et de partir sur les traces du mystérieux inconnu. Ses recherches mettent à jour un passé oublié et ne lui attirent pas que des amitiés dans ce sud-ouest encore enraciné dans ses mystères, ses secrets, mais sa ténacité est la plus forte.

En reliant le livre, en le dévoilant, c'est aussi elle-même qui finira par se trouver.

C'est un roman qui mêle les effluves du cuir et du papier, celui du soleil du sud-ouest et des sous-bois, les non-dits d'un village endormi près du lit d'une rivière... Les personnages sont construits tout en finesse. Le portrait de la narratrice est soigné, fouillé, dense, mais elle croise des personnages secondaires tout aussi (voire plus?) attachants : le boulanger à la verve toute méridionale, le cordonnier à la folie douce et fracassante, l'horloger -enfin- dont les angoisses et la douceur bouleversent (est-ce le hasard s'il y a un peu de Cyrano dans chacun d'eux?)

Et la langue d'Anne Delaflotte Mehdevi est belle, terriblement belle. Elle convoque des images d'une grande poésie et d'une rare intensité et sait tenir en haleine..

L'espace d'un instant, quand l'écheveau de l'intrigue commence à se dénouer, j'ai eu peur d'un dénouement un peu trop facile qui gâcherait la beauté et la force de l'ensemble... Force est de constater que même s'il n'est pas foncièrement original, il parvient à s'insérer dans le reste du texte avec une certaine grâce et à garder presque intact l'émerveillement de l'ambiance créée par l'auteur.

 

Un roman délicat qui envoûte doucement, qui laisse rêveur et dont la lecture ressemble à ces torpeurs blondes de juillet, quand l'air sent bon le foin et le chèvrefeuille...

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